10 Décembre 2020

[Vendée Globe 2020] L’altimétrie sécurise les prévisions océaniques

Journal de bord #4 – Claire Maraldi

Entre la voile et l’espace, les liens sont beaucoup plus étroits qu’on pourrait le penser. Tout au long du Vendée Globe, des femmes du spatial livrent leur journal de bord en lien avec la course légendaire. Quatrième épisode avec Claire Maraldi, responsable de l’altimétrie nadir sur surface océanique au CNES.

Journal de bord #4 – Claire Maraldi

Aujourd’hui 10 décembre. Ça y est, la course a complètement basculé dans l’océan austral. Je suis cette édition avec le plus grand intérêt, et je suis impressionnée par le nombre de femmes engagées. On peine à imaginer les conditions dans lesquelles les skippers doivent se débattre, entre le froid qui se fait de plus en plus vif, les dépressions qui menacent et les creux impressionnants dans lesquels les bateaux doivent se faufiler. J’avoue que je suis contente que ma spécialité, l’altimétrie, leur apporte un peu d’aide dans cette magnifique aventure. 

Grâce à l’océanographie opérationnelle, les skippers disposent d’indications et de prévisions sur les courants et l’état de la mer tout au long du parcours. Il s’agit de modèles réalisés respectivement par Mercator Océan et Météo-France, auxquels l’altimétrie apporte une brique indispensable : les données satellitaires qui permettent de préciser leurs approximations. En effet, la forme de l’onde radar réfléchie par la surface océanique vers les satellites altimétriques nous renseigne sur le niveau de la mer et la rugosité de surface liée à la hauteur des vagues, paramètres à partir desquels nous pouvons dériver les grands courants de surface, la hauteur des vagues et le vent de surface. 

Bien sûr, c'est une course à la voile, l’élément prépondérant reste le vent. Mais l’océanographie opérationnelle et la connaissance des courants complètent utilement les informations météo pour choisir la meilleure route. On sait que sur mer le trajet le plus rapide n’est pas toujours le plus court. Par exemple, la présence permanente d’un grand tourbillon océanique dans l’Atlantique Sud fait qu’il est plus pertinent de descendre le long des côtes du Brésil que de l’Afrique. Dans l’océan austral où les bateaux évoluent ces jours-ci, les courants vont d’est en ouest, et il serait impensable de faire la course et de passer les grands caps dans l’autre sens. Associée à la circulation océanographique générale, il y a aussi de nombreuses zones tourbillonnaires de plus petite échelle dont les vitesses prennent parfois des directions opposées à celle des grands courants. Les skippers peuvent essayer d’en profiter pour gagner du temps. Cela les aide même dans certains cas à passer les zones de faible vent. 

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Carte des courants Crédits : kolpex.servhome.org.

Les prévisions sur la hauteur des vagues sont aussi capitales pour la sécurité des bateaux, et leur permettent de suivre les trajectoires les moins risquées. Dès les premiers jours, ils ont dû affronter la tempête Theta dans l’Atlantique. Les indications océanographiques complétant les prévisions météo leur ont permis d’adapter leur route pour trouver le meilleur compromis entre le risque et la performance. Ce n’était pas inutile avec des vagues de 6 ou 7 m !

J’aime énormément cette course, qui cette année encore nous offre des émotions sensationnelles. C’est une autre façon de vivre l’amour de l’océan et je souhaite à ces sportifs hors du commun de traverser la plus belle des aventures.

Claire Maraldi

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Claire Maraldi Crédits : DR

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SWOT (vue d'artiste) Crédits : CNES

Le rôle du CNES

Le CNES a développé une expertise historique dans le domaine de l’altimétrie, en lançant la mission TOPEX-Poséidon avec la NASA, en 1992, puis la filière Jason à partir des années 2000, dont le troisième satellite, Jason 3, est toujours opérationnel. Il est également un partenaire majeur de Jason CS/Sentinel 6 développé dans le cadre du programme européen Copernicus, il a développé, en partenariat avec l’agence chinoise, CFOSAT dont l’instrument SWIM hérite pour partie des altimètres POSEIDON, et il travaille avec la NASA sur la nouvelle génération de satellite altimétrique SWOT, qui sera lancée en 2022.


cls et le vendée globe

CLS, filiale du CNES, partenaire historique du Vendée Globe, met au service de la course son expertise en traitement de données satellitaires radar, altimétriques (technologie dédie à la mesure de la hauteur de mer, technologie portée par le CNES utilisée par CLS pour pré-détecter les icebergs) et en modélisation de courants océaniques pour détecter la présence et prévoir la dérive des icebergs tout autour de l’Antarctique. Sur les 3 dernières éditions du Vendée Globe, plusieurs dizaines d’icebergs, pouvant menacer le parcours des skippers, ont été détectés par CLS. CLS a pour mission de détecter les zones les plus dangereuses. Elle définit en collaboration avec la direction de course la zone exclusive antarctique. L’entreprise met ses meilleures équipes au service de la course et de sa sécurité.