25 Novembre 2014

Le SONC prépare la suite de la mission de Philae

En 1ere ligne lors de l’atterrissage de Philae et de sa 1ere séquence scientifique, les équipes du SONC préparent à présent la suite de la mission de l’atterrisseur dans l’hypothèse de son réveil courant 2015. Entretien avec Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta au CNES.

Dans l’idéal, après l’arrivée de Philae sur le noyau de la comète 67P et l’accomplissement de la 1ere séquence scientifique jusqu’à l’épuisement de sa pile, l’atterrisseur aurait dû profiter du rechargement de sa batterie par ses panneaux solaires pour entamer une longue séquence d’utilisation de ses instruments.

Hélas, l’arrivée de Philae a été quelque peu acrobatique et il s’est finalement calé contre une sorte de corniche de glace loin du site Agilkia initialement visé. Au final, le Soleil n’éclaire que certains de ses panneaux solaires et seulement moins d'1h30 par jour cométaire de 12,4 h. C'est insuffisant pour recharger sa batterie.

Le vendredi 15 novembre, à l’issue de la 1ere séquence scientifique, Philae a donc basculé dans un mode comparable à une sorte d’hibernation et il n’en sortira que lorsque ses panneaux solaires récolteront assez d’énergie pour le réchauffer et le réveiller. Voici les réponses de Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta au CNES, à quelques questions sur les conséquences de cette hibernation précoce pour le SONC, le Science Operation & Navigation Center, installé dans les locaux du CNES à Toulouse et chargé de la préparation et du suivi des opérations scientifiques de Philae.

Après l’intensité des journées qui ont entouré le largage et l’atterrissage de Philae, comment les équipes du SONC ont-elles réagi à cette hibernation beaucoup plus précoce que prévue ?


Philippe Gaudon : « Physiquement, il a fallu plusieurs jours à tout le monde pour se remettre de cette période, car les horaires et la pressions ont été extrêmes, mais je n’ai pas ressenti de découragement à l'annonce de l'hibernation précoce de Philae. D’une part, nous avons tous bon espoir que l’atterrisseur se rallume lorsque les conditions d’ensoleillement seront plus favorables et, d’autre part, nous avons encore beaucoup de travail. Une partie de l’équipe continue notamment de préparer des séquences scientifiques pour la période du réveil, dite Science de Long Terme (LTS). Elle était censée commencer immédiatement après la 1ère séquence scientifique (FSS) mais, pour le moment, je dis qu’elle n’est que reportée. La LTS n’avait été préparée que pour le 1er mois, il reste donc encore beaucoup de choses à faire ! Une autre partie de l’équipe du SONC participe à l’effort de localisation du site précis d’atterrissage de Philae. »

Justement, avec quels moyens le SONC peut-il contribuer à cet effort de localisation de Philae ?

PG : « Dès le 12 novembre en fin d’après-midi, dès que nous avons compris que Philae avait très certainement rebondi lors du 1er contact avec la surface, l’équipe de mécanique spatiale a commencé à réfléchir à la modélisation de ce rebond. Depuis, nous avons bien plus de renseignements sur les horaires des 2 rebonds et de l'atterrissage final, l’orientation du premier rebond, sa vitesse, la rotation de Philae pendant ces 2 heures de trajet supplémentaire, et nous tentons de reconstruire toute sa trajectoire. Ce que nous trouvons pour le moment est cohérent sur la durée à 1 min près et avec ce que propose l’équipe de CONSERT, mais il y a encore du travail à réaliser avant d’officialiser nos résultats. »

Est-ce que vous pensez que le téléobjectif OSIRIS-NAC sur Rosetta parviendra à distinguer Philae dans la zone d’atterrissage ?

PG : « C’est un site qui connaît des conditions d’ensoleillement délicates et il faut donc réussir à trouver le bon moment pour que OSIRIS-NAC puisse prendre des images, mais je suis confiant. Rosetta est actuellement à une trentaine de km de distance et elle devrait se rapprocher à une vingtaine de km début décembre, donc, quand je vois la qualité des images prises sensiblement à la même distance lors de l’atterrissage, des images sur lesquelles on voit vraiment très nettement Philae, j’ai confiance. À mon avis, c’est plus une question de bon éclairage de la zone que de résolution, même s’il peut être plus difficile de repérer l’atterrisseur s’il est coincé entre des parois rocheuses. »

Lorsque Philae aura été situé précisément, quel sera le rôle du SONC ?

PG : « L’équipe de mécanique spatiale, qui a largement contribué aux remarquables calculs de la trajectoire de largage, pourra alors déterminer avec précision quand l’ensoleillement deviendra suffisant pour que l’activité de Philae reprenne. C’est ce qu’on attend dans un futur proche et cela nous permettra de dire à partir de quand on pourrait envisager un réveil, possiblement dans le courant du printemps 2015, mais cela reste à confirmer. »

Qu’est-ce qu’il se produira lorsque l’énergie collectée par les panneaux solaires de Philae deviendra suffisante pour provoquer son réveil ?

PG : « En tout 1er lieu, il faut que Philae se réchauffe suffisamment avant de pouvoir démarrer l'ordinateur de bord et lancer le logiciel de vol. Puis, une fois le logiciel de vol lancé, celui-ci va automatiquement déclencher le fonctionnement des antennes pour tenter d’établir le contact avec Rosetta. Une fois cette étape franchie, si l’énergie collectée est toujours suffisante, ce sera au tour du compartiment de la batterie d’être réchauffé, à la suite de quoi la recharge de la batterie commencera. Enfin, quand la charge sera suffisante, Philae sera opérationnel et l’utilisation des instruments deviendra possible selon une séquence qui aura été préparée au SONC en étroite collaboration avec les scientifiques et qui sera téléchargée dans l’ordinateur de Philae via le Centre de Contrôle de Philae (LCC), le Mission Operation Center (RMOC) et Rosetta. »

Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta est la 1ere mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.